Ouvrir l’œil, c’est ouvrir le corps, sortir de la raideur du glaçon oculaire, pour entrer dans le miracle qui va contrarier le regard, l’interpeler, l’entraîner dans le bain de Diane dont le caractère fantasmatique est la rencontre du terrestre avec le divin.

Si l’œil est le point de l’ouvert, un photographe en est le myste, enchaîné à une communauté de voyants où “Tu sais, tu n’as pas à voler”.

Ah, la matrice !

Que nous a -t-elle projetés, hommes, femmes, arbres nus dans la lumière qui s’éblouit d’elle-même et donne à nos formes dressées la précision de la flêche aux aguets.

Oui, nous venons de l’ombre, dans ce bleu, cet obscur éclairé, de l’ombre connaissante où nous étions couverts, enveloppés, terrés.

Et nous voilà, frères et sœurs des fleurs, enclos les uns les autres, dans notre naissance à l’œil des étés, des hivers, des bacs à eau de nudité, des cris, des larmes, ravalés.

”Ni homme, ni poête, ni feuille d’arbre, mais un cœur meurtri qui guette”.

Dans le désir du regard, dans cette affaire de vie ou de mort.

Contemplés, aveuglés, profanés.

Nous voilà une ronde en marche, sortis de l’eau, allant sur elle, prêts à tout affronter, mêlés à cette vie, victimes fières, musique de nuages et d’onde, soufis de la force de voir, lorsque la lumière s’assombrit dans les ors ou les jaunes pour enfin rejoindre le prisme de la caméra, où blanc et noir sont résolus.

Un seul cri, une seule violence, celle de la naissance !

Tel, Jean RAULT, dans l’éclaboussure prométhéenne, d’avoir volé aux dieux leur flamme et l’écrasante tâche que lui impose l’avers des choses, que ses yeux, son flux, sa brûlure, mettent à découvert.

Denudare – Rayer l’eau horizontale – le point réduit de l’âme.

“L’apparence n’est pas réelle, elle est le dos des mains de Dieu”.

La lenteur et la pesanteur resteront l’ironie de qui n’y verra que la forme.

 

Marie-Luce ROSEMBLY